Arête frontalière du Lac Nègre

Mardi 28 octobre 2014 – du lourd aujourd’hui. Outre le kilométrage et le D+ élevés (22km et près de 1850mD+), 6 sommets d’au minimum 2678m en une sortie ! L’une des plus belles rando alpine de la région je pense. Depuis le changement d’heure du week-end, le soleil se lève plus tôt. Nous partons donc à 6h30 et démarrons la rando au parking de Salèse à 7h40 par un petit 0°C, bien rude. Nous avons une belle journée devant nous : grand soleil en perspective et il ne se couchera que vers 17h30. Mais nous espérons, cette fois, ne pas rentrer à la nuit comme la semaine passée (Giegn et Préfouns). Mon collègue a cette fois misé sur une montée du Col de Salèse (360mD+, 2.5km) en vélo par la piste de Mollières. Je monterai là-haut en marche rapide, avec très peu de passage en courant malgré tout. Le sac est gros même s’il n’est pas trop lourd et balotte pas mal. Je le rejoins en 33min. Le mélézin s’est rapidement vu baigné de soleil, et heureusement, car les fleurs de givre étaient nombreuses. Au col, nous quittons déjà le sentier pour nous retrouver hors sentier. Nous suivons quand même une légère sente qui nous mène rapidement à la Pointe de Rogué (2435m). Déjà une très belle vue sur les Caïre et Mont Archas au sud, sommets derrière lesquels, on aperçoit, comme la veille un voile nuageux sur le pays côtier. Nous serons privilégiés aujourd’hui. Le Giegn nous fait de l’œil à l’ouest, mais nous l’avons vaincu, à l’inverse du Cayre du Préfouns que nous voyons aussi.

Le 1er objectif du jour n’est pas encore visible, masqué par la Serre de Rogué, que nous suivons facilement entre quelques petits mélèzes et blocs de granite à dépasser. Nous verrons les 1er chamois se vêtir de leur tenue d’hiver : un beau pelage brun foncé. Puis, derrière un ressaut, un petit bouquetin né de l’année, tout mignon derrière sa mère. De beaux couloirs bien raides descendent vers le sud et le vallon de Salèse. De l’autre côté, c’est une très belle combe fermée par un grand gendarme, le Caïre Rogué. Nous arrivons en 2h à la Cime de Rogué (2705m) où un vent frais nous accueille : gants et bonnet sont de sortie pour la 1ère fois de l’année. Dans une belle combe, les Lacs de Frémamorte apparaissent. Ils sont au nombre de 6, aux eaux limpides et d’un bleu profond en leur centre. Nous apercevons l’un des lacs des Bresses et une infime partie du Lac Nègre derrière le Caïre Pounchu. Descente rapide vers la Baisse de Rogué dont le versant nord-ouest est encore occupé par un beau névé. Nous remontons directement à la Cime de Pagari de Salèse (2678m) dans un beau pierrier de granite. Nous descendons en suivant l’arête vers le nord-ouest, le long de la frontière. C’est partie, nous sommes sur l’arête frontalière entre la France et l’Italie. Superbe vue sur le Gélas et le Grand Capelet au fond. Mais plus proche de nous, c’est l’Argentera qui se dresse en contre-haut du Vallon de Casa del Re. Nous quittons cette arête facile au point coté 2561m pour filer sur une légère sente dans une arène granitique instable vers le Col de Frémamorte (2615m). Versant Italien, les beaux lacs de Fremamorte et surtout de nombreux vestiges d’occupations militaires. Il nous faut monter jusqu’à 2731m pour rallier la Cime de Frémamorte, une imposante montagne à la frontière. C’est là que nous mangeons : il est 11h. Rapidement, car le vent a vite fait de nous rafraichir. La vue est saisissante : nous pouvons voir l’ensemble de notre parcours déjà effectué et restant à parcourir ; le Lac Nègre, les Lacs des Bresses, l’Argentera et le Matto. De très belles vallées italiennes desquelles remontent des nuages de fond de vallée.

La descente se fait versant nord, sous l’arête, parfois sur l’arête. Rapidement, nous arrivons au Collet des Bresses. Nous visons ensuite une falaise qu’il faut que nous contournions par la droite pour monter vers le Tête Sud des Bresses, 4ème sommet du jour. C’est une rando, hors sentier, entre les blocs, mais montée facile jusqu’au sommet (2824m). La Tête Nord semble encore bien loin, séparée par une belle arête, d’abord descendante puis remontante de cotation PD. Le rocher est un peu péteux : les pierres bougent beaucoup et nous cherchons souvent la meilleure option qui n’est pas forcément la plus évidente. On contourne des béquets et deva,t un passage un peu exposé en descente, nous choisissons de nous encorder pour plus de sécurité. De fait, nous ralentissons l’allure mais arrivons au sommet, 100% italien, content de nous. Mais là, la route n’est pas encore finie. Il faut retourner sur nos pas, rejoindre le Pas des Tablasses (2742m) et suivre l’arête (F) menant à la Tête des Tablasses (2855m). De là où nous sommes, le chemin est encore long, l’arête semble belle. Nous repassons les passages délicats encordés, et devant une petite brèche, nous décidons de caler dans le couloir pour rejoindre le Pas des Tablasses. Nous perdons probablement un peu de temps : les pierres roulent sous nos pieds, mais arrivons quand même à la casemate sous le Pas.

Nous pouvons embrayer pour le 6ème et dernier sommet de la journée. Un pur régal ; une superbe arête sans grosse difficulté qui commence par un petit passage d’escalade (III). La suite n’est que plaisir à serpenter entre les béquets, en s’aidant des mains, slalomant entre le granite bien massif qui offre de belles prises tant pour les pieds que pour les mains. Ça monte, avec quelques petites redescentes, et à 14h30, nous arrivons au sommet ! Vue extraordinaire sur le Giegn, les Aiguilles du Lac Nègre, le lac Questa, les Portelles, le Malinvern et le Matto. Nous prenons un malin plaisir, à présent que nous avons réussi la course, à contempler et nommer les sommets que nous avons gravis aujourd’hui, dans la même rando ! Le Lac Nègre, 400mD+ plus bas nous attend déjà. La descente consiste à emprunter un couloir assez raide, mais dans lequel les pierres ne bougent pas trop. Nous passons ensuite sous les falaises d’une contre cime et arrivons au Pas de Préfouns (2615m) où le vent froid est une fois encore bien présent. Là, nous plongeons sans réfléchir dans la descente pour rentrer, car nous retrouvons enfin un sentier balisé et bien connu en plus. Le soleil couchant est magnifique sur le Lac Nègre, le Giegn et les Aiguilles de Préfouns. Belle vue aussi plus bas sur le Rogué, Pagari et Frémamorte. Les couleurs d’automne donnent une autre dimension à ce cirque. Nous rejoingnons en trottinant le Col de Salèse où je me mettrais à courir pour rejoindre quelques minutes après le cycliste, le point de départ. 2h de descente depuis les Tablasses (dont 18min depuis Salèse). Une journée formidable à suivre les crêtes et la frontière dans l’un des plus beaux coins du Mercantour, et par une très belle journée de début d’hiver. Ce secteur offre en fait tant de possibilités de rando plus ou moins alpines…